Pour améliorer son programme d’aide au développement, l’Europe souhaite se pencher sur des projets concrets et augmenter son budget consacré à ces questions, selon Neven Mimica, commissaire européen chargé de la Coopération internationale et du Développement.
Dernier grand rendez-vous international important pour l’équipe de Jean-Claude Juncker, les Journées européennes du développement qui se sont tenues à Bruxelles les 18 et 19 juin ont permis à l’Europe de réaffirmer ses ambitions et de se poser, une fois encore, en « meilleur partenaire de l’Afrique ». Rencontre avec le commissaire croate Neven Mimica, en charge de la Coopération internationale et du Développement.
Jeune Afrique : Les 18 et 19 juin, la Commission européenne a convié ses partenaires, notamment africains, aux 13e Journées européennes du développement. Que peut-il sortir d’un événement comme celui-ci ?
Neven Mimica : Cette année, le thème de ces journées était la réduction des inégalités. Dans le cas de l’Afrique, je dirais que le problème fondamental n’est pas la croissance du PIB – elle existe – mais la nature de cette croissance : est-elle assez inclusive et durable ? Ces journées sont l’occasion pour nous de demander à nos partenaires africains comment améliorer nos programmes d’aide au développement pour qu’ils soient mieux ciblés. C’est très important que nous soyons d’accord sur les besoins, c’est de ça que nous voulons discuter pour continuer à être non seulement le plus important donateur mais aussi le meilleur partenaire sur les questions de développement.
Les dirigeants européens évoquent une relation d’égal à égal, mais le partenariat est-il vraiment égalitaire dans la mesure où un continent apporte à l’autre une « aide au développement » ?
Oui. Nous voulons vraiment passer d’une relation d’aide et d’assistance à un vrai partenariat entre entités égales. L’élaboration des Objectifs de développement durable des Nations unies ont fixé un nouveau cadre qui change complètement la façon dont on conçoit les politiques de développement. Nous nous focalisons sur des points précis, nous élaborons ensemble une plateforme commune de développement, on n’est plus ni dans l’aide ni dans la charité.
Cela semble un peu abstrait…
C’est pour cela qu’il faut se pencher sur les projets concrets pour mesurer l’évolution de notre partenariat. Il y a vraiment un changement. Les projets que nous portons ne sont plus élaborés en Europe, ne sont plus conçus en fonction de notre vision ou de nos intérêts. Ils répondent vraiment à des priorités que nous identifions en discutant avec nos partenaires.
Le problème, c’est que si l’Europe reste le premier partenaire de l’Afrique, elle est souvent mal identifiée. Quand on pense à de grandes initiatives sur le continent ce sont souvent des programmes chinois, indiens, coréens qui viennent à l’esprit. Pourquoi ?
Nous sommes le premier partenaire de l’Afrique, c’est un fait, mais il est vrai aussi qu’il y a parfois un déficit de visibilité, de communication… L’une des raisons, c’est que souvent notre aide porte sur le développement humain, l’éducation, la santé, la gouvernance, et que c’est moins spectaculaire que la construction d’une route ou d’un stade. Par ailleurs, ces programmes se montent souvent en partenariat avec des entités tierces comme l’ONU, la Banque mondiale… Donc la visibilité de l’Europe est moins évidente. Mais peu importe, ce n’est pas un concours de beauté. Si d’autres veulent faire plus et mieux en Afrique, très bien, ça n’aura que des effets bénéfiques.
Vous semblez avoir un doute sur la construction de certaines grandes infrastructures ?
Non, nous contribuons aussi à ce genre de réalisations. Ce que je dis simplement, c’est que nos projets visent toujours à créer de la valeur ajoutée, à générer des emplois durables, à améliorer l’employabilité des populations locales, leurs compétences… Construire une route ou un aéroport, ce n’est pas à mon sens la meilleure façon de créer des emplois durables ou du développement humain.
Les dernières élections européennes ont vu plusieurs partis politiques d’extrême droite, a priori peu favorables aux partenariats avec l’Afrique, se renforcer. Cela risque-t-il de peser sur les programmes d’aide ?
Je ne pense pas. Il y a au Parlement comme parmi les États membres une majorité stable qui est favorable à ce que nous continuions à renforcer notre aide au développement. Pour le prochain budget, qui court sur une période de sept ans, la Commission a proposé d’augmenter le budget consacré à ces questions de 30 %, ce qui le ferait passer d’un peu plus de 40 milliards d’euros à environ 62 milliards, dont plus de la moitié à destination de l’Afrique. Et ce alors même que la contribution des Britanniques va disparaître. Je suis à peu près sûr que cette proposition sera soutenue par le Parlement.
La question des migrations est quand même devenue un sujet de crispation entre les deux continents.
Je pense qu’il faut envisager cette question à long terme, garder en tête que migration et développement sont liés par un problème commun : celui de l’éradication de la pauvreté. Notre but n’est ni d’imposer des conditions d’entrée ou des quotas, ni de déplacer les barrières de l’Europe vers l’Afrique, ni de fermer nos frontières. Mais plutôt de déterminer comment les migrations peuvent contribuer au développement et comment celui-ci peut contribuer aux migrations. Sans oublier que 80 % des gens qui quittent leur région s’installent soit dans une autre partie de leur propre pays, soit dans un pays voisin. C’est avant tout en Afrique que nous devons aider à accueillir ces personnes.
L’Accord de Cotonou, qui régit les relations entre l’Europe et ses partenaires des régions Afrique, Caraïbes et Pacifique, arrive à expiration début 2020. Où en sont les négociations des nouveaux accords ?
Nous y travaillons en ce moment même avec nos partenaires. En Afrique, ce sujet est étroitement liés avec l’intégration régionale et la mise en place de la Zone de libre-échange continentale (Zlec). L’Union africaine est un acteur important de ces discussions. Notre but est de produire un draft validé de l’accord d’ici au mois d’octobre. Ce qui laissera le temps à chaque partenaire de procéder à la ratification formelle de cet accord post-Cotonou avant la date d’expiration, c’est-à-dire avant février 2020.
SOURCE: Jeune Afrique
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