Pour conjurer la malédiction des ressources naturelles, le Sénégal qui devrait entamer sa production gazière en 2022 balise le terrain par une réglementation en faveur de l’inclusion. Au cœur du dispositif, une loi sur le contenu local pour permettre aux entreprises locales de mieux saisir les opportunités dans la chaîne de valeur pétro-gazière. Le texte en attente d’un decret d’application repose sur cinq points.
« Au terme de la concertation d’aujourd’hui, avec les conclusions, je prendrai sans délai les décrets d’application relatifs au contenu local [dans le pétrole et gaz, ndlr]. Sans délai, parce que je veux qu’on avance en mode Fast Track », promettait le chef de l’Etat Sénégalais Macky Sall le 2 juillet dernier aux experts, investisseurs, acteurs de la société civile, réunis dans un atelier à Diamniadio. Quatre mois plus tard, les entreprises privées, les syndicats d’hydrocarbures et la société civile sénégalaise s’impatientent et réclament le décret d’application. Le contenu local est un mécanisme de sauvegarde des intérêts du Sénégal dans les contrats pétroliers et gaziers, un secteur où les investissements se chiffrent à coups de milliards de dollars, hors de la portée des entreprises locales. Toutefois, la chaîne de valeur de ce domaine offre des opportunités et activités génératrices de revenus, à la portée du secteur privé sénégalais que la loi sur le contenu local entend favoriser.
Rehausser la part des nationaux dans les hydrocarbures
Une loi qui s’applique sur l’ensemble du territoire, traite de l’amont et de l’aval pétrolier, concerne à la fois les bénéficiaires des contrats directs, les prestataires et les fournisseurs. Une manière pour le Sénégal d’atteindre son objectif de parvenir à 50% de contenu local dans l’industrie pétrolière et gazière en 2030. Fer de lance de cette ambition, la loi sur le contenu local met l’accent sur la formation des ressources humaines, le renforcement des petites et moyennes entreprises (PME) et des petites et moyennes industries (PMI), ainsi que la réalisation de projets sociaux dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’eau potable et de l’électrification rurale, entre autres. Le contenu local a aussi été conçu pour booster la création d’une industrie de valorisation des hydrocarbures, notamment la pétrochimie, les engrais, la raffinerie, apportant de la valeur ajoutée.
Cette loi sur le contenu local intervient en renfort d’un arsenal juridique mis en place par le Sénégal depuis les premières découvertes pétrolières et gazières en 2014. Au tout début de l’année, le pays a adopté la loi n°2019‐03 du 1er février 2019 portant Code pétrolier, en remplacement de la loi n°98‐05 de 1998. Le texte fixe de nouvelles règles relatives à la prospection, à l’exploration, au développement, à l’exploitation, au transport, au stockage des hydrocarbures ainsi qu’à la liquéfaction du gaz naturel sur l’ensemble du territoire national. Il définit certaines dispositions du régime fiscal de ces activités.
La question du contenu local a été abordée dans l’article 58 du code pétrolier en 5 points. Il stipule que les titulaires de contrat pétrolier ainsi que les entreprises travaillant pour leur compte doivent donner la possibilité aux investisseurs privés nationaux, disposant de capacités techniques et financières, de participer aux risques et aux opérations pétrolières. Le texte prévoit d’accorder la préférence aux entreprises sénégalaises pour tous les contrats de construction, d’approvisionnement ou de prestation de services, à conditions équivalentes en terme de qualité, quantité, prix, délais de livraison et de paiement.
L’article 58 stipule qu’employer, à qualification égale, il faudra accorder la priorité au personnel sénégalais pour la réalisation des opérations pétrolières sur le territoire national. Dans le nouveau code pétrolier sénégalais, le troisième dispositif du contenu local garantit le transfert technologique en direction des entreprises sénégalaises à travers un accompagnement des multinationales en place. Elles sont tenues de contribuer à la formation professionnelle des cadres et techniciens sénégalais à travers un programme annuel de formation défini dans le contrat pétrolier applicable. Enfin, le contenu local devrait permettre le versement dans une institution financière de premier rang le montant d’une caution pour la réhabilitation et la restauration des sites. Un ensemble de mesures à confirmer et à clarifier par la loi sur le contenu local tant attendu pour le pays de 16 millions d’habitants selon les chiffres de la Banque Mondiale.
Le Sénégal qui a aussi adopté le 16 octobre un projet de loi portant code gazier a rejoint en 2013 l’Initiative pour la Transparence dans les Industries extractives (ITIE). Toujours dans les réformes juridiques, la nouvelle constitution sénégalaise révisée et adoptée en mai 2019 stipule en son article 25 que les ressources naturelles appartiennent au Peuple sénégalais. L’objectif est d’en assurer une gestion optimale pour le pays, déjà secoué par des scandales de corruption dans le secteur pétro-gazier, où les premières productions sont attendues dans trois ans. Le Sénégal s’apprête à exploiter son gisement Ahméyim-Grand Tortue (GTA) de 700 milliards de mètres cubes de gaz, à partager avec la Mauritanie à partir de 2022. Des réserves de 473 millions de barils de pétrole brut ont été découvertes dans le champ SNE, rebaptisé « Sangomar », dont la production est attendue en 2023. Des volumes importants mais qui classent le pays loin dernière les géants africains des hydrocarbures : Le Nigéria, l’Angola, l’Algérie, la Libye et dans une moindre mesure le Congo, le Gabon, et le Tchad.
SOURCE: La Afrique Tribune
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